Grande figure du féminisme, Thérèse Clerc, née entre les deux guerres, a milité toute sa vie. Fondatrice de la Maison des femmes puis de la Maison des babayagas  à Montreuil, maison de retraite pour les femmes de plus de soixante ans qui veulent vivre autonomes, elle n’a cessé de vouloir être libre. Libre dans sa vie de femme comme dans ses amours. Elle apparait déjà dans le très beau film de Sébastien Lifshitz « Les invisibles » qui met en scène des homosexuels, hommes et femmes racontant leurs parcours depuis l’époque où naissaient le MLH et des mouvements féministes forts. Figure lumineuse et volontaire, Thérèse, lorsqu’elle est atteinte d’un cancer incurable et se sait en fin de vie, demande au cinéaste avec qui elle est restée en relation de venir filmer ses dernières semaines, en affrontant la vieillesse et la mort. Une entreprise délicate et douloureuse dont Sébastien Lifshitz évite dans ce très beau documentaire tous les écueils. Toutes les vies de Thérèse nous seront contées, vie de femme mariée, de mère, de militante, de combattante, de lesbienne affirmée, d’amoureuse, au fil d’entretiens et d’archives. Nous la verrons aller vers la mort, entourée de ses enfants et de ses amis, dans la dignité, comme un ultime geste politique offert à ceux qui restent. Pudique, maniant l’allusion avec délicatesse, laissant la place au regard de Thérèse et à ses silences, à son sommeil, la caméra jamais ne pèse, jouant avec les ombres, pleine de délicatesse. « Les vies de Thérèse » nous emporte et nous laisse, émus jusqu’aux larmes, en deuil de Thérèse devenue au fil de ce voyage des plus intimes une amie proche, mais aussi riches d’elle et des traces magnifiques qu’elle imprime à nos vies.
Thérèse Clerc s’est éteinte le 16 février 2016 à l’âge de 88 ans.