Les années sida à l’écran • Conférence de Didier Roth-Bettoni

Didier Roth-Bettoni, journaliste et critique de cinéma, cinéphile enthousiaste, documenté et subtil nous revient cette fin d’année pour présenter son dernier ouvrage Les années sida à l’écran – éditions ErosOnyx, livre dans lequel il mobilise une filmographie très riche souvent essentielle et pourtant en grande partie méconnue. Et comme à VUES D’EN FACE tout se termine généralement devant une toile, nous projetterons également le film Zéro patience de John Greyson qui accompagne la publication dans un jeu d’illustration et de mise en perspective des plus pertinents. Un trésor cinématographique très queer qu’il vous faut découvrir de toute urgence !

Avec « Les années sida à l’écran », Didier Roth-Bettoni livre une lecture érudite et engagée de plus de trente années où le cinéma a composé avec la maladie, oeuvre publiée au moment où le film de Robin Campillo, 120 battements par minute, reçoit le Grand Prix du jury du dernier Festival de Cannes faisant ainsi entrer l’histoire de la lutte contre le sida dans celle du cinéma.
Après son monument sur L’Homosexualité au cinéma (La Musardine, 2007) dont on nous annonce une prochaine mise à jour, ce livre de Didier Roth-Bettoni est un nouveau témoignage pionnier sur la représentation au cinéma, entre 1983 et 2017, des malades et de leur entourage. Dans cet ouvrage, l’auteur déploie une filmographie vertigineuse composée de centaines de films souvent très confidentiels ou malheureusement oubliés, ayant eu et continuant à avoir une importance cruciale sur cette question. Un travail salutaire pour sa capacité à analyser avec acuité ces films dont les enjeux ont indéniablement infléchi le cours de l’Histoire et participé à la construction de la communauté LGBT et la manière dont le reste de la société l’a regardée.
Revisitant ce corpus cinématographique aussi riche que contrasté, Didier Roth-Bettoni annonce ainsi son ouvrage préfacé par Christophe Martet, ancien président d’ACT UP Paris. Les Années sida à l’écran fait le bilan de quatre décennies, met en garde devant une pandémie toujours là, contre le recul de la vigilance, pour que jamais ne se perde l’esprit artiste et militant d’un film comme Zero Patience.
« Ce livre est sur les images de nous en ces temps de tempête. Les images de nous créées en réponse au chaos, les images plaquées sur nous de l’extérieur, les images de nous en communauté, les images de nous seuls face à la mort, les images bienveillantes, les images hostiles, les images empathiques, les images dérangeantes, les images neutres, les images exaltées et folles.
Ce livre comme un mausolée […] Comme un hommage à ceux qui ont fait ces images et qui sont partis, Derek Jarman en tête.
Comme un salut à ceux qui ont fait et font encore ces images, envers et contre tout, John Greyson le premier, son Zero Patience en bandoulière.

Zero Patience, film gay, film queer, film grave, film léger, film consolant, film revendicatif, film de mort, film d’amour, comme un symbole, comme un emblème, tant il incarne, d’une certaine manière… ces années sida et leur cinéma. Comme la résultante des films antérieurs à s’être frottés à la maladie depuis l’apparition de celle-ci, douze ans plus tôt. Comme un moment clé. Comme l’annonce, sinon l’ébauche, de ce qui va se jouer par la suite sur les écrans à propos de cette question. Comme l’écho d’un moment très spécifique dans l’histoire de la maladie et de ses représentations.
Patience zéro, comme un slogan, Zero Patience, comme un manifeste… »
Le film du canadien John Greyson est une fable « électro-pop » sur-vitaminée et irrévérencieuse. Inclassable « musical » militant, le film, sorti entre Les Nuits fauves, de Cyril Collard, et Philadelphia, de Jonathan Demme, ne concourut ni aux Césars ni aux Oscars, mais marqua un tournant dans la vision de la maladie, comme dans la position d’où l’observer.

Didier Roth-Bettoni connait bien VUES D’EN FACE pour y donner régulièrement des conférences sur les représentations homosexuelles au cinéma (Celles et ceux qui ont osé – avril 2017, Méchants gays et vilaines lesbiennes : un grand classique du cinéma – avril 2015, L’image de l’homosexualité au cinéma – avril 2014) ou y présenter des films et des cinéastes gay qui ont compté dans le panorama du cinéma LGBT (Sébastiane de Derek Jarman, cinéaste queer et martyr en avril 2014, Nous étions un seul homme de Philippe Valois en octobre 2016).
Né en 1967, historien et spécialiste du cinéma LGBT international, critique attitré du magazine Rhône-alpin Hétéroclite, Didier Roth-Bettoni « accorde une importance toute particulière à l’idée de mémoire homosexuelle, de transmission intra- et extra-communautaire d’une histoire propre aux gays et aux lesbiennes¹ ». Il évoquera sans conteste cet effet « de génération² qui voit en l’espace de trois-quatre ans – de façon absolument pas concertée – sortir quasiment au même moment le film de Robin Campillo, le livre d’Elisabeth Lebovici³ sur le sida dans l’art, ainsi que plusieurs documentaires ou séries tant aux État s-Unis – sur l’histoire d’Act-Up, qu’en France – sur les mouvements LGBT dans les années 80 à 2000 de Philippe Faucon pour Arte, ou encore en Suède avec la série Snö tirée du livre de Jonas Gardell N’essuie jamais de larmes sans gants (série présentée lors de la 15e édition de VUES D’EN FACE). Autant d’œuvres artistiques marquant le fait qu’un travail intime est enfin possible. Un travail de réflexion, de retour sur notre histoire, notre passé, signe d’un processus de deuil qui est enfin terminé, d’acceptation d’être survivant. »


Pour aller plus loin :

Réf. Les années sida à l’écran de Didier Roth-Bettoni, Editions ErosOnyx, livre de la collection EO images, publication de juin 2017, avec le DVD du film Zero Patience de John Greyson – Canada, 1993.
Le livre sera en vente à l’issue de la conférence à la bibliothèque centre ville et à l’issue de la projection au cinéma le Club. Une séance de dédicace sera prévue à l’issue de la projection.

1- Article par Romain Vallet, Hétéroclite, juin 2017
Lien de l’article

2- Entretien donné en juin dernier par Didier Roth-Bettoni au web-magazine culturel Diacritik
Lien de l’entretien

3- Livre d’Élisabeth Lebovici Ce que le sida m’a fait – Art et activisme à la fin du XXe siècle (JRP Ringier – La maison rouge, 2017)

4- Emission La grande table d’été, du 22 aout 2017, avec Robin Campillo et Didier Roth-Bettoni, sur France Culture
Lien de l’émission


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